L'Ami des animaux – Organe officiel de la Protection Suisse des Animaux PSA
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Les revers d’une tendance

© ISTOCKPHOTO

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Il fut un temps où l’on désignait avec dédain les chèvres en les traitant de vache des petites gens, mais aujourd’hui, elles jouissent à nouveau d’une haute estime. Cela parce que, notamment, la tendance est au fromage de chèvre. De grands distributeurs en proposent désormais une bonne douzaine de sortes. Les paysans suisses en produisent 1000 tonnes au bas mot, et à cela s’ajoute une quantité supplémentaire considérable de fromages importés. Mais sous l’aspect de la vie des chèvres, les fromages ne sont pas tous pareils. Car l’UE ne connaît pas de directives concrètes et contraignantes en matière de protection de ces animaux et les normes suisses en ce domaine sont extrêmement souples.

Dr ès sciences Hansuli Huber, Responsable du domaine spécialisé PSA, Service de conseil sur la détention des animaux de rente respectueuse des espèces

Les chèvres aiment le mouvement, ce sont des animaux grégaires très intelligents qui partent volontiers à la découverte et escaladent les pentes abruptes. Pas étonnant donc que le bouquetin appartienne aussi à l’espèce caprine. Il s’accouple d’ailleurs sans problème avec des chèvres domestiques. Au musée d’histoire naturelle de Coire se trouve un spécimen d’un tel croisement.

Malheureusement, les chèvres en Suisse ne peuvent souvent pas vivre conformément à leurs besoins. L’ordonnance sur la protection des animaux autorise par exemple la détention à l’attache, étant précisé qu’il est permis de maintenir les chèvres attachées en permanence à la mangeoire pendant deux semaines. Même la détention en étable la vie durant, dans un espace minimum de 1,7 mètre carré seulement pour chaque animal, est légal pour des chèvres adultes pesant 70 kg! Hormis ces formes de détention en étable contraires à la protection animale, l’écornage croissant des chèvres représente un autre problème majeur. Il est vrai que la PSA a réussi à imposer que l’écornage des veaux et des cabris ne puisse se faire aujourd’hui que sous anesthésie. Mais en raison de la fine calotte crânienne des jeunes chèvres, et du fait qu’au cours du processus de cautérisation, un bon tiers de la calotte est touchée, des plaies ouvertes et des infections apparaissent fréquemment, qui peuvent entraîner la mort de l’animal. Aux yeux de la PSA, l’écornage des chèvres ayant lieu à l’heure actuelle n’est que pure maltraitance des animaux qui, de surcroît, s’avère inutile. Car en sus des études scientifiques, de nombreux praticiens montrent que la détention de chèvres dotées de cornes en stabulation libre et en prairie peut avoir lieu sans problème. C’est pourquoi la PSA est intervenue auprès de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) compétent en la matière. Un rapport de l’OSAV est attendu à fin 2017 pour la suite de la procédure.

L’étranger n’est pas un exemple

Alors que la stabulation entravée, en particulier pendant les mois d’hiver, est très courante dans les petites exploitations, la tendance à la détention exclusivement en stabulation a lieu principalement dans les grandes exploitations. Ce que ce genre d’évolution pourrait impliquer est illustré par ce qui se passe à l’étranger. Là-bas, la plupart des producteurs de lait de chèvre professionnels renoncent d’ores et déjà à la sortie régulière en plein air et au pacage. Le lait est prélevé sur les chèvres alors qu’elles sont détenues toute l’année en stabulation, et qu’elles ne peuvent plus brouter de l’herbe fraîche, mais sont nourries en excès avec des aliments concentrés. Les logettes sont étroites et très mal structurées, sans possibilités d’évitement et d’escalade, autrement dit c’est une vie triste et ennuyeuse qui attend là ces animaux. L’espérance de vie diminue du fait de la productivité extrêmement élevée qui est exigée. Les chèvres laitières deviennent des articles à jeter. Ces grandes exploitations ne peuvent plus rien entreprendre non plus avec les cabris mâles: tout juste nés et déjà absolument sans valeur! Ils sont donc éliminés le plus rapidement possible. Comme de surcroît l’UE n’a pas édicté de normes de protection des chèvres, aucun contrôle de la protection des animaux ne peut avoir lieu dans ces stabulations – à la différence de ce qui se passe en Suisse. Il faut espérer que le groupe laitier suisse Emmi, qui a acheté diverses sociétés de production de lait de chèvre à l’étranger, y applique tout au moins le standard de détention en vigueur dans notre pays. De toute manière, la PSA recommande de renoncer autant que possible aux fromages de chèvre étrangers!

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La PSA met donc tout en œuvre pour que dans notre pays, la détention de chèvres en stabulation disparaisse au profit de l’élevage au pâturage et avec sorties en plein air en hiver. © ISTOCKPHOTO

Exigences de la PSA

La chèvre est un herbivore qui peut transformer, sur la surface herbagère de Suisse comportant beaucoup de terrains non cultivables, de l’herbe en lait de grande valeur. La PSA met donc tout en œuvre pour que dans notre pays, la détention de chèvres en stabulation disparaisse au profit de l’élevage au pâturage et avec sorties en plein air en hiver. Les chèvres doivent avoir à disposition une étable spacieuse et bien structurée, avec des possibilités de sortir en plein air et d’escalader, et elles doivent manger des graminées et des herbacées au lieu de concentrés pour produire du lait. Le but doit être une longue vie en bonne santé, et non pas une haute productivité. L’écornage portant atteinte à leur santé doit prendre fin. Etant donné que chez nous, à l’exception de la période de Pâques, la demande de viande de cabri est faible, il s’agit de jouer davantage l’atout de la chèvre. Contrairement à la vache, qui doit pratiquement mettre bas un veau chaque année pour pouvoir produire du lait, les chèvres peuvent souvent donner du lait pendant deux, voire trois ans sans avoir à mettre bas. Ainsi la perte de cabris mâles, dont personne ne veut et qui doivent donc être éliminés à peine nés, sera fortement réduite.

 

Faits et chiffres

7000 détenteurs possèdent 83 000 chèvres, soit en moyenne 12 chèvres par exploitation; en comparaison: en 1985, 10 000 agriculteurs possédaient encore 53 000 chèvres, soit 5 chèvres par exploitation.

Aujourd’hui, 23 000 000 de litres de lait de chèvre sont produits chaque année, autrement dit 50 % de plus qu’en l’an 2000. A titre de comparaison: les 600 000 vaches suisses fournissent plus de 4 milliards de litres de lait par an.

Le prix payé au producteur de lait de chèvre est de 1.40 Fr. alors qu’un paysan ne reçoit en moyenne plus que 50 centimes par litre de lait de vache.

¾ des chèvres ont régulièrement accès au pâturage, ainsi que des sorties régulières en plein air en hiver, mais seul ¹⁄3 vivent dans des stabulations où elles peuvent se mouvoir librement.

Les chèvres blanches Saanen produisent 800-900 litres de lait par an, celles duToggenburg environ 800 litres et la chèvre paon à peu près 500 litres. A l’étranger, les chèvres à haute productivité produisent même, sous apport d’une énorme quantité d’aliments concentrés et contre nature, 1500 litres, la valeur record atteignant presque 3000 litres! En comparaison: une vache laitière suisse, qui est 10 fois plus lourde qu’une chèvre, fournit en moyenne 6000-7000 litres de lait par an.

Mots-clés: L'Ami des Animaux 3/17, Lait de chèvre

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