L'Ami des animaux – Organe officiel de la Protection Suisse des Animaux PSA
L'Ami des animaux – Organe officiel de la Protection Suisse des Animaux PSA

«De nombreux ânes mènent une triste vie»

  • © Adobe Stock

    © Adobe Stock

  • L’origine sauvage: Leur habitat se trouve dans les âpres contrées montagneuses d’Afrique orientale. Les ânes ont donc d’autres exigences que les chevaux en matière d’alimentation et de milieu environnant.

    L’origine sauvage: Leur habitat se trouve dans les âpres contrées montagneuses d’Afrique orientale. Les ânes ont donc d’autres exigences que les chevaux en matière d’alimentation et de milieu environnant.

(© Adobe Stock)

La Protection Suisse des Animaux PSA a organisé une matinée d’information en ligne, donnant la parole à des spécialistes de la santé, de la détention et de l’alimentation des ânes. Il en est clairement ressorti que ces animaux sensibles et nécessitant des soins particuliers sont souvent détenus de manière non conforme aux besoins de leur espèce. 

Michael Götz, Dr ing. agr.,  journaliste Agricole

L’âne est une espèce animale dont les propriétaires en savent souvent  trop peu sur la détention et la santé. «Nous visons un transfert des connaissances dans la pratique», tels sont les propos tenus par Sandra Schaefler, du Service spécialisé PSA Animaux de compagnie et chevaux, en guise d’introduction à la conférence. Les cabinets et les services vétérinaires jouent un rôle important dans la transmission des connaissances, car ils sont en contact direct avec les détentrices et détenteurs d’animaux.

«Un âne qui ne mange pas est un cas d’urgence»

Les ânes ont tendance à cacher qu’ils sont malades. Cette attitude est liée au fait qu’ils doivent se montrer forts envers leurs ennemis naturels, explique Lucia Unger, vétérinaire à l’institut de médecine équine ISME de l’Université de Berne. Pour savoir si un âne est malade, il faut l’observer attentivement. Signes discrets d’une maladie ou de douleurs: naseaux rétractés, oreilles tombant sur le côté ou vers l’arrière, posture du cou et de la tête vers le bas ou encore relâchement des membres. L’experte des ânes cite comme autres signes d’alerte l’apathie et l’isolement. Les ânes malades restent plus longtemps en position couchée, ce qui peut être le signe de coliques ou de fourbures; ou bien il arrive qu’ils restent debout en piétinant et refusent de s’allonger. Souvent, ils gardent le museau dans le foin ou la paille mais n’ingèrent rien. Ils font semblant de manger. «Un âne qui ne mange pas est un cas d’urgence», souligne Lucia Unger. Une baisse d’appétit ne s’explique pas uniquement par des coliques ou des douleurs, mais peut aussi être liée à des problèmes dentaires. Ces derniers peuvent se manifester par des bruits de mastication inhabituels, voire par des écoulements nasaux ou oculaires. Une mastication insuffisante peut aussi entraîner la formation de boulettes alimentaires qui tombent au sol. Chez les ânes amaigris, il convient dans tous les cas d’examiner la dentition. 

Maladies fréquentes

L’hyperlipémie est un problème d’équilibre dangereux entre le stockage et le déstockage des graisses. Ce trouble survient surtout lorsqu’un âne «gras» arrête soudain de s’alimenter. Le taux de mortalité peut grimper jusqu’à quatre-vingt pour cent. Ce problème est fréquent chez les animaux vieux et obèses ainsi que chez les ânes nains. Les coliques chez l’âne surviennent souvent suite à une constipation. On les observe surtout chez l’âne âgé et chez les ânes qui consomment des aliments concentrés. Les coliques peuvent toutefois être d’origine psychique, par exemple lors d’un changement de personne qui s’occupe de l’animal. La paille n’est pas un facteur de risque de constipation chez l’âne, sauf s’il a des problèmes dentaires graves, précise la vétérinaire.

La fourbure est une maladie à prendre très au sérieux. Elle est souvent liée à des troubles hormonaux comme le syndrome métabolique équin ou syndrome de Cushing; cette maladie est dans la majorité des cas détectée tardivement, elle peut causer de fortes douleurs et pousse fréquemment à l’euthanasie. La vétérinaire cite une autre maladie à ne pas négliger: les sarcoïdes. Ce sont des tumeurs cutanées qui apparaissent surtout au niveau de la tête, dans la région de l’aine et du prépuce. Dans ce cas, il convient d’appeler immédiatement le vétérinaire et de ne pas tester des remèdes maison.

«Beaucoup de maladies sont liées à la détention»

«L’âne n’est pas un cheval de petite taille», observe Hanspeter Meier, vétérinaire et spécialiste des ânes. Il suffit de voir son origine. Tandis que nos chevaux domestiques ont été domestiqués dans les step­pes vertes d’Asie, l’âne que nous connaissons a pour ancêtre l’âne africain, dont l’habitat est le milieu aride et montagneux d’Afrique de l’Est. Les ânes ont donc des besoins très différents de ceux du cheval en termes d’alimentation et d’environnement. La médecine vétérinaire a longtemps négligé l’âne, celui-ci étant tout simplement considéré comme le cheval du pauvre. La littérature spécialisée dédiée aux ânes n’existe que depuis peu de temps (voir note ci-dessous). «Beaucoup de maladies sont liées à la détention», constate Hanspeter Meier. Afin de les prévenir, il faut comprendre les caractéristiques de l’âne, particulièrement son côté stoïque ou «têtu» ainsi que son comportement alimentaire. L’élevage d’ânes devrait être réservé aux spécialistes.

Les ânes ont besoin de s’occuper et de bouger 

«Les propriétaires d’ânes devraient contrôler les sabots tous les jours», recommande Edith Müller de la Fondation Eselmüller. De même, le soin des sabots devrait être confié à un spécialiste toutes les huit à dix semaines. «Tous les six mois, cela ne suffit pas», ajoute-t-elle. En raison de nos sols relativement mous, les sabots ne subissent pas assez l’usure. L’âne appréciera les endroits secs et sableux avec des bois à grignoter, espaces où il pourra bouger, s’occuper et trouver un endroit agréable où s’allonger. Attention aux prairies vertes! Les ânes ne devraient pas y pâturer plus d’une heure, car ils consommeraient trop d’herbe pauvre en fibres, ce qui favorise l’apparition de fourbures. 

Edith Müller déconseille le port d’une muselière, car en mangeant l’âne appuie sur la muselière avec les incisives, ce qui risque de déformer les dents ou d’entraîner une inflammation de la gencive, causant ensuite de graves problèmes dentaires. De plus, la muselière empêche l’animal de boire et de bailler. 

«Presque deux tiers des ânes en Suisse mènent une triste vie», estime l’amie des ânes Edith Müller, qui accueille régulièrement des animaux délaissés. Les ânes ne coûtent pas cher à l’achat et souvent ils ne sont pas détenus conformément à leurs besoins. Les personnes qui ont affaire aux ânes doivent savoir que, contrairement au cheval, l’âne n’aime pas l’autorité. Concrètement, l’âne apprécie les relations de partenariat, encore plus que le cheval.

L’âne a besoin d’un congénère comme acolyte. Un cheval ou un poney jouant le rôle de partenaire social ne suffit pas.

 

Pas de détention en solo

«Les ânes sont souvent rabaissés et ne sont pas pris au sérieux», constate Sandra Schaefler de la PSA. «La plupart des gens ne savent pas à quoi s’attendre.» Une détention des ânes est vite conforme à la loi. Selon l’ordonnance sur la protection des animaux, les ânes devraient pouvoir sortir à l’air libre pendant deux heures dans la journée et, lorsqu’on ne les «utilise» pas, ils devraient être en contact avec d’autres équidés. Néanmoins, le respect de l’ordonnance sur la protection des animaux n’est pas une garantie de détention conforme aux besoins de l’espèce, constate la représentante de la PSA. La détention d’ânes en solo est à éviter. «L’âne a besoin d’un congénère comme acolyte. Un cheval ou un poney jouant le rôle de partenaire social ne suffit pas», dit Sandra Schaefler. La conseillère nationale Anna Giacometti a déposé une motion où elle demande une adaptation de l’ordonnance sur la protection des animaux dans ce sens. 

Une prairie verte peut convenir aux bovins et dans une moindre mesure également aux chevaux, mais pas aux ânes. Déjà, limiter la durée du séjour dans une prairie verdoyante est problématique. En effet, sachant que la durée du pâturage est limitée, les ânes mangent plus vite et peuvent couvrir leur ration quotidienne en moins de deux heures. En revanche, ils peuvent très bien rester toute la journée sur des surfaces maigres abritant des arbustes, des arbres ou du bois mort sans «se goinfrer». Faute de prairie maigre étendue, l’âne devrait disposer d’une grande surface sèche où sortir. Les ânes qui sont dehors par tous les temps ont besoin d’un abri. «C’est extrêmement important», souligne Sandra Schaefler, car le pelage de l’âne n’est pas imperméable, et lorsque notre ami se retrouve sous la pluie ou dans le froid, il gèle.

Le menu approprié

Les ânes et les mulets ont de meilleures capacités à absorber les aliments fibreux difficiles à digérer, grâce à la microflore de leur gros intestin. Ingrid Vervuert, vétérinaire spécialisée dans l’alimentation et la diététique des animaux à l’Université de Leipzig, souligne cette particularité. En principe, donner de la paille à manger à l’âne pose problème uniquement en présence de champignons ou moisissures, ou si l’âne à des soucis dentaires. Les écorces, les branches et les feuilles figurent aussi au menu de l’âne. Selon Ingrid Vervuert, l’été, une surface de pâturage parcellisée et fauchée courte avec environ 2,5 kilogrammes de paille de céréales suffira à un âne en bonne santé pesant environ deux cents kilogrammes. Ce fourrage de base devrait être complété par des substances minérales riches en oligoéléments, des pierres salées à lécher, des branches d’arbres fruitiers et d’arbustes. L’hiver, on complétera l’herbe des pâturages avec du foin coupé tardivement et on augmentera la ration de paille. La nutritionniste recommande de mesurer régulièrement le Body Condition Score (BCS) et d’adapter l’alimentation. Le surpoids est un problème fréquent chez l’âne, mais il convient de lui donner un aliment savoureux lorsqu’il refuse de s’alimenter: sirop de menthe, menthe, gingembre, carottes ou pommes. Ingrid Vervuet prévient: «Ne pas faire maigrir l’âne par pure crainte de fourbures». Autre détail qui a son importance: penser à un approvisionnement en eau suffisant. Si les ânes supportent très bien la soif, leur besoin en eau – 3,5 à 9,5 litres pour cent kilogrammes de poids corporel - n’est pas inférieur à celui du cheval.

Mots-clés: Éditions, L'Ami des Animaux 2/23, Ânes

L'Ami des animaux – Organe officiel de la Protection Suisse des Animaux PSA